Situé au cœur de la capitale économique du Bénin, Cotonou, le marché Dantokpa est bien plus qu’un simple lieu d’échange commercial.
Il est un véritable poumon économique, une plaque tournante régionale du commerce, un carrefour de cultures et un symbole vivant de la vitalité populaire ouest-africaine.
Étendu sur plus de 20 hectares et employant plusieurs dizaines de milliers de personnes, le marché Dantokpa est considéré comme le plus grand marché à ciel ouvert d’Afrique de l’Ouest. Décryptage d’un espace aussi foisonnant que stratégique.

Marché Dantokpa : Un géant économique au cœur de Cotonou
Le marché Dantokpa, souvent surnommé « Tokpa », tire son nom de la divinité des eaux dans le panthéon vaudou : To-kpa, ce qui signifie littéralement « au bord de l’eau ».
En effet, le marché se situe sur les rives de la lagune de Cotonou, non loin du pont qui relie les deux grandes zones de la ville.
Avec ses milliers d’étals, ses allées animées et sa diversité de produits, Tokpa n’est pas seulement un marché local.
C’est un espace économique régional, qui attire commerçants, grossistes, détaillants et acheteurs venus de tout le Bénin, du Togo, du Nigeria, du Burkina Faso, du Niger et même du Ghana.
On y trouve de tout : des produits alimentaires (maïs, igname, manioc, poisson, épices…), des tissus (notamment le célèbre wax africain), des cosmétiques, des pièces détachées, des objets religieux, des articles électroménagers, etc.
Selon certaines estimations, le marché Dantokpa générerait un chiffre d’affaires quotidien de plusieurs milliards de francs CFA et ferait vivre directement ou indirectement près de 100 000 personnes, dont une très forte majorité de femmes.

Une structure tentaculaire et complexe
L’organisation du marché Dantokpa est à l’image de sa croissance organique : tentaculaire. Il ne s’est pas construit d’un seul bloc, mais a grandi par agrégations successives, répondant aux besoins croissants de la population et des dynamiques économiques régionales.
Le marché est divisé en zones thématiques ou « secteurs » : l’alimentaire, les tissus, la pharmacie traditionnelle, les cosmétiques, la friperie, l’artisanat, les produits électroniques, les ustensiles de cuisine, etc.
Chaque secteur est administré par un chef de zone, souvent désigné par les commerçants eux-mêmes. Cette forme d’autogestion traditionnelle cohabite avec les autorités municipales, notamment pour les questions de sécurité, d’assainissement et de fiscalité.
La structure est néanmoins marquée par un manque d’infrastructures modernes. L’étroitesse des allées, l’encombrement chronique, les problèmes de gestion des déchets, et les risques d’incendie font partie des défis majeurs du marché.
Malgré cela, l’ingéniosité des commerçants et la résilience des vendeurs permettent au Tokpa de fonctionner avec une efficacité impressionnante.

Un marché au féminin
L’une des caractéristiques majeures du marché Dantokpa est la prédominance féminine. La majorité des vendeurs sont des femmes, appelées communément « les bonnes dames de Tokpa ».
Ces femmes jouent un rôle central dans l’économie locale. Elles sont souvent à la tête de petits commerces familiaux qu’elles ont développés sur plusieurs années.
Certaines, devenues grossistes ou détentrices de plusieurs stands, dirigent de véritables petites entreprises, employant d’autres femmes, des jeunes et des apprentis.
Ces commerçantes sont respectées dans la société béninoise, car elles incarnent à la fois la force économique informelle du pays et la transmission du savoir-faire.
Ce rôle des femmes dans le commerce traditionnel béninois est ancien. Il s’ancre dans une culture où la femme est souvent la gardienne du foyer mais aussi la cheffe d’orchestre des échanges commerciaux, ce qui confère au marché Dantokpa une dimension sociale et culturelle unique.

Un carrefour de traditions et de modernité
Le marché Dantokpa est aussi un lieu de syncrétisme culturel. On y croise des produits de consommation courante, des objets d’artisanat local, des articles religieux vodoun, des livres, des produits médicinaux traditionnels, etc.
Il reflète le métissage des influences béninoises : yoruba, fon, mina, haoussa, ainsi que les apports modernes issus de la mondialisation.
Depuis quelques années, des efforts sont faits pour moderniser le marché, notamment par le biais de projets d’aménagements soutenus par la mairie de Cotonou, le gouvernement béninois et certains partenaires internationaux.
Des tentatives de digitalisation du commerce, via l’introduction du paiement mobile, sont également en cours, bien que limitées par la prédominance du cash et la méfiance envers les systèmes bancaires formels.

Quel avenir pour le marché de Dontokpa ?
Le marché Dantokpa représente un pôle stratégique aux multiples enjeux, économiques, sociaux, environnementaux et urbains. Par son ampleur et son dynamisme, il constitue un levier essentiel du développement régional.
Cependant, il est confronté à de nombreux défis. L’insécurité reste un problème récurrent, entre vols, incendies et violences sporadiques.
L’insalubrité, marquée par une mauvaise gestion des déchets, la stagnation des eaux usées et une forte pollution sonore, nuit à la qualité de vie sur place.
Sur le plan de l’aménagement, la surpopulation, le manque d’infrastructures sanitaires et l’étroitesse des voies de circulation compliquent la mobilité et le fonctionnement général du marché.
À cela s’ajoute un faible niveau d’inclusion financière, avec un accès limité au crédit et une bancarisation encore trop faible chez les commerçants.
Face à ces défis, notamment ceux liés à la sécurité, le gouvernement béninois prévoit de relocaliser les commerçants d’ici à 2026 vers de nouveaux marchés en cours de construction.

L’objectif est de moderniser les infrastructures commerciales, d’améliorer les conditions de travail et de renforcer la sécurité pour tous les acteurs du secteur.
Pour conclure, il faut dire que le marché Dantokpa n’est pas seulement un haut lieu du commerce africain, il est une ville dans la ville, un cœur battant de Cotonou, une mosaïque de vies et d’histoires.
À l’image de l’Afrique de l’Ouest contemporaine, il conjugue tradition et modernité, défis et opportunités, enracinement local et ouverture régionale.
Quiconque visite le Bénin ne peut prétendre le connaître sans avoir arpenté les allées colorées, bruyantes et vivantes du Tokpa.